Peu importe la ville où elle se trouvait, Camellia était suffisamment débrouillard pour s’en sortir et s’y adapter. Chicago ne serait donc pas une exception. Toutes avec leurs petites différences et similitudes. Découvrir ces petits choses, ces petits rien qui pouvaient paraître insignifiant pour certains, était l’un de ses plus grands plaisirs. Certaines lui plaisaient, d’autre non, et elle faisait avec. Elle avait apprit à vivre avec.

Mais parfois, il y avait des choses qu’elle ne pouvait tout simplement pas.

Voilà à peine trois mois qu’elle avait atterri à Chicago, qu’elle avait réussi également à dégoter un travail dans un bar, le Looper, et, bien évidemment, elle devait tomber sur un lourdingue. Elle arrivait, en général, à se débarrasser d’eux le plus poliment possible, avec tout le professionnalisme dont elle pouvait faire si ça arrivait au boulot. Mais pas ce soir, apparemment. Elle savait qu’elle pouvait en toucher deux mots à son patron mais il était occupé et elle n’osait pas trop le déranger pour une broutille pareil. Elle avait insisté sur son indépendance et son autonomie. Elle aurait l’impression de perdre la face. Et elle savait, elle le sentait que ce type allait l’attendre à la fin de son service. Et l’idée même lui serrait l’estomac.

Dans la petite salle réservée aux employés, Camellia serrait son portable, fixant depuis plusieurs minutes son répertoire. Cela faisait peu de temps qu’elle était à Chicago. Elle n’avait pas d’amis, de connaissances. Et si elle devait absolument contacter quelqu’un, il n’y avait que lui.

Sans s’en rendre compte, elle retint sa respiration et son doigt glissa sur Rozen G.

Pour être tout à fait honnête, elle ne s’attendait pas à ce qu’il réponde. Le soulagement et la déception se mêleront un peu dans sa voix.

« Hey, euh… je suis désolée de te déranger. Je voulais savoir si… à quelle heure tu finissais aujourd’hui ? Je… tu sais quoi, oublie ? Je rentrerai en Uber, au pire. On se revoit à l’appart, peut-être. Ciao! »

Elle voulut effacer son message mais le travail n’attendit pas et dans la précipitation, elle l’avait fini par l’enregistrer. Tant pis. Camellia mobilisa toutes ses forces pour rester concentrée le reste de la soirée. Lorsque la fin de son service arriva enfin, le type qui l’avait lourdement dragué n’était plus en salle. Peut-être que- Mais non. Ses soupçons étaient confirmés. Sa main serra fébrilement son portable dans les poches de son manteau tandis qu’il l’approchait.

Elle ouvrit la bouche pour le menacer d’appeler la police mais une silhouette devenue désormais familière entra dans son champ de vision et laissa échapper un soupir de soulagement évident.

-Rozen, tu es venu, souffla-t-elle lorsqu’il fut à sa hauteur.

Les nœuds dans son ventre se firent moins douloureux.