La première fois qu’il avait poussé la porte du cabinet d’avocat en charge de la succession de son grand-père, il venait tout juste d’arriver à Chicago. Il s’était demandé s’il y avait un appartement dans les biens de son grand-père ou s’il allait devoir se trouver une chambre à l’Université de Chicago. Si l’avocat l’avait reçu avec politesse, il avait annoncé que la succession était bloquée pour encore quelques années, jusqu’à la majorité d’April. Il avait donc pris une chambre sur le campus en notant de revenir après son diplôme. C’était donc quelques semaines avant l’obtention de diplôme qu’il avait repris rendez-vous avec l’avocat.
Il avait récupéré les clés et avait poussé la porte de l’appartement de son grand-père et il avait hésité à le décrire entre un mauvais rêve ou une horreur… L’appartement familial avait été laissé à l’abandon pendant les vingt dernières années. L’avocat avait embauché un service de ménage, pour être sur que l’appartement ne prenait pas trop la poussière, mais rien dans le contenu de l’appartement avait changé depuis que Samuel et sa mère était venu en septembre 2001 après la disparition de son grand-père. Certes, l’appartement n’était ni poussiéreux, ni rempli d’araignées ou d’autres animaux désagréables, mais là où il y avait eu des papiers peints, la colle avait cessé de faire son travail, les moquettes n’avaient pas du voir une shampooineuse depuis des années…
Refermant la porte derrière lui, Jeremiah avait pris le temps de faire le tour du propriétaire, téléphone en main pour prendre des photos. En face de l’entrée, se trouvait la buanderie, le lave-linge et le sèche-linge étaient toujours là, mais la question à vingt mille dollars était marchaient-ils encore ? A côté, un placard encombré de vestes et de manteaux aussi bien masculins que féminin voire d’adolescent. En continuant dans le sombre couloir, il trouva deux portes entrouvertes, l’une menant à la suite principale qui semblait toujours être la propriété de son grand-père. La chambre avait connu des jours meilleurs, la peinture au plafond s’écaillait, comme dans plusieurs autres coins de l’appartement. Le dressing et la salle de bain ne connaissaient plus de lumière, surement des lampes non fonctionnelles et vu l’aspect de la baignoire, elle n’avait pas vu de produit ménager depuis des années… Retournant dans le couloir, il trouva une salle à manger fermée qui contenait des meubles en état correct, un peu vieillot, mais ce serait bien le dernier des problèmes. La cuisine au centre de l’appartement totalement fermée le dérangeait un peu plus. Certes, il n’allait pas y passer son temps, il ne s’approchait d’une cuisinière que contraint et forcé, quand les services de livraisons ne fonctionnaient plus et les restaurants étaient tous fermés. Mais comme le reste de l’électroménager de l’appartement, il avait au moins vingt ans et n’avait pas servi depuis des années. Il allait devoir s’assurer que l’électricité ne craignait rien avant de tester le moindre ustensile… Pareil pour la plomberie d’ailleurs... Le salon avait une vue magnifique, sur le lac Michigan, comme la salle à manger. Les deux dernières chambres avaient perdu leur papier peint, délavés du temps passé et vu le peu qu’il en devinait, ce n’était absolument pas un drame. Et la salle de bain était toute aussi vieillote… [HRP :
Plan ]
S’il voulait occuper cet appartement quand il aurait fini l’université, il allait y avoir du travail… Et clairement, ce n’était pas pour lui. Il avait fait le plus urgent, qui avait consisté en trouver un électricien pour s’assurer que de remettre le courant ne ferait pas flamber la tour d’immeuble, ça aurait fait un titre de nécrologie stupide « Mort en allumant le courant dans l’appartement familial ». Et un plombier pour s’assurer que les canalisations n’étaient pas bouchés, il n’avait aucune envie de découvrir ça un matin… Et pour le reste, il avait simplement paré aux plus pressé. La lessive ? Il avait trouvé un pressing à trois immeubles de là, la cuisine ? Il commandait constamment ou ne mangeait que des plats qui demandaient un micro-ondes. Ca avait été l’un des seuls investissements qu’il avait bien voulu faire en posant ses valises dans l’appartement. Bon, il avait aussi changé le matelas de la chambre principale, donner les vêtements de son grand-père, de sa mère ou de son frère qui encombraient les armoires. Si ça pouvait aider d’autres personnes, il n’allait pas les jeter. Sans compter le petit coup de pub bon genre que ça pouvait faire.
Mais il n’avait pas pris le temps de faire refaire l’appartement. Pourtant ses trois sœurs lui avaient gentiment fait comprendre que là, cet appartement n’était pas possible et pas uniquement à cause du papier peint délavé. Mais il aurait du le savoir, inviter Violet à Chicago était une mauvaise idée. Non pas qu’il n’aimait pas sa sœur aînée, mais disons qu’elle n’avait pas appréciée les salles de bain… Le week-end avait été compliqué sur plus d’un point, mais elle avait surtout dit clairement le dimanche soir avant de prendre l’avion qu’il avait intérêt à rendre son appartement plus fonctionnel ou elle le dénoncerait aux deux benjamines… Et il n’avait aucune envie que ses trois sœurs se mettent à le harceler pour savoir comment était son appartement et ce trois fois par jour… Alors il avait pris rendez-vous avec un cabinet de décoration pour être sur que ses trois sœurs ne le harcèlent pas. Il savait parfaitement reconnaître les combats perdus d’avance et face à ses sœurs, il allait forcément perdre.
Le jour venu, le jeune avocat s’était assuré de n’avoir aucun rendez-vous au tribunal pour pouvoir travailler depuis l’appartement, le temps d’avoir ce fameux rendez-vous. Il était content que ce soit en pleine semaine, sinon ses sœurs seraient venus pour y mettre leur grain de sel. Il hésitait entre un drame ou une chose vitale, au moins ça lui aurait éviter de perdre son temps dans cette réunion. Le nez plongé dans son dossier, l’avocat avait sursauté en entendant l’interphone. Son regard sur son téléphone, il nota l’avance de son rendez-vous. Un bon point pour elle. Se relevant, le jeune homme alla jusqu’à l’interphone pour découvrir que son rendez-vous était une femme. Lui confirmant l’étage, il retourna à son dossier pour le refermer et ranger ses affaires - ne jamais laisser traîner un dossier n’importe où – avant de revenir à la porte d’entrée et d’ouvrir pile après la sonnette.
Ouvrant la porte, il nota que la jeune femme qui lui faisait face était à peine plus petite que lui et une apparence hautement étrange. De longs cheveux blancs… Sérieusement… Une Therian ou juste une de ces gamines persuadées que le monde ne se préoccupait pas de l’apparence. Un contraste complet avec Jeremiah qui portait un pantalon de costume gris clair parfaitement taillé, une chemise bleu marine qui rendait son regard encore plus sombre.
« Bonjour Mademoiselle Cox. Enchanté de faire votre connaissance aussi. » Se décalant pour la laisser entrer, il la mena jusqu’au salon pour qu’ils puissent s’installer tranquillement.
« Souhaitez-vous boire quelque chose ? Un café ? Un thé ? » Un sourire amusé, le jeune avocat écouta la remarque de la jeune demoiselle.
« C’est parce que vous n’avez pas vu l’ensemble de l’appartement que vous dites ça. Mon grand-père en était l’ancien propriétaire, mais il est mort il y a vingt ans et personne ne l’a occupé depuis. » Il aurait pu ne pas répondre, mais ce genre d’informations circulait assez facilement, alors une personne de plus ou de moins… Le plus étonnant était qu’elle ne semblait rien savoir des Plenton. Et pour l’avocat, c’était amusant comme constat. Mais il n’allait pas se plaindre.
« Pourriez-vous me faire un devis par pièce ? Je voudrais au minimum la buanderie, la cuisine, le salon et la salle à manger. Pour les chambres, c’est un peu moins urgent. » Mais il savait que tout l’appartement en aurait besoin a terme, mais il n’allait pas non plus dépenser tout son argent dans la rénovation de l’appartement.