Tout ce dont il se souvient de ce jour, c’est l’âpre goût contre sa langue, la poisseuse sensation que rien n’est à sa place. Que dans ce qui devient inexorablement son pire cauchemar, il n’y a que l’imposante carrure d’une bête sombre qui se dresse entre lui et la fin.
Rozen s’en souvient encore certaines nuits, lorsque l’air lui manque. Lorsque la carne de son bras semble flétrir à nouveau sous les flammes. Ce jour-là, ils se sont apprivoisés par le plus abrupte des baptêmes. Et là où le Seigneur lave ses enfants par l’eau sacrée, eux deux n’en gardent que les lointaines cicatrices d’un autre seigneur régnant au creux des entrailles des bas-fonds.
Tout avait pourtant commencé sans que l’on ne puisse présumer du moindre drame. Une intervention mineure, un cas de brimades entre therians au sein d’un orphelinat. Le secteur n’est pas en plein Chicago, mais le THIRDS aura été dispatché. Tout s’est joué à une question de qualification de la situation. Rien de trop grave, c’était du moins ce qu’on leur avait annoncé avant de les informer au travers de la radio que leur équipe se trouvait la plus proche de la situation. Il n’y avait rien d’inquiétant dans tout ça. Peut-être rattraper la situation. Donner un semblant de remontrances à de jeunes adolescents qui n’ont simplement pas eu la chance d’être encadrés de la façon la plus optimale possible.
Du moins, c’est ce qu’eux avaient cru en se rendant sur place, profondément ennuyés, dans la petite ville d’Aurora. Un lieu qu’il avait déjà eu l’opportunité de visiter pendant ses rondes nocturnes en tant qu’agent du FPH de Naperville, au taux de criminalité rejoignant l’un des plus élevés de l’Etat. Rien ne semble alarmant, lorsque l’imposant véhicule du THIRDS rejoint les quelques voitures du FPH s’étant arrêtées près de l’entrée du domaine. Rien ne semblait réellement justifier de la présence de tant d’individus. Si ce n’est peut-être…
Un silence presque sourd s’élève alors que les deux agents pénètrent dans le bâtiment. Bien vite, la situation leur est exposée plus en détail. Plusieurs jeunes garçons enfermés à l’étage auraient apparemment pris à partie un autre jeune qui sous la pression de l’instant aurait déclenché sa première transformation. Jusque-là, une situation qui n’avait rien d’étonnant… C’était pourtant sans compter sur le fait que d’autres therians résidaient entre ces murs. Et lorsque plusieurs imposantes créatures cèdent à leurs instincts, peu de choses auraient pu davantage déraper.
Rozen se rappelle que ce jour-là, l’air était froid, promettant de la neige pour la nuit. L’hiver d’Illinois s’était déjà installé. Les sols blanchis par le givre à l’aube tardive. Les feux de cheminées alimentant le confort des plus imposants foyers.
Le poids contre son dos de leur équipement, et quelques doses de tranquillisant prêtes à l’emploi. Non, Rozen ne se doute pas qu’en arrivant ici, le comité d’accueil se trouverait être des éducateurs pris au dépourvu devant la tournure de la situation. Il ne leur aura pas fallu plus de quelques instants pour rejoindre le lieu, où quelques agents du FPH bloquent les accès pour empêcher d’autres adolescents curieux de se mêler à ce qui ne tardera pas à devenir un cuisant fiasco.
Lançant un regard quelque peu incertain à son partenaire, Rozen le retient quelque peu à l’écart des autres agents en place avant qu’ils ne s’engagent dans l’escalier pour rejoindre l’étage. Lèvres pincées, il ne parle que trop bas pour quiconque d’autre.
« Est-ce qu’il ne faudrait pas envisager une évacuation complète par mesure de sécurité… ? »
Au moins un therian sans contrôle. Récupérant son téléphone, il se procure rapidement les dossiers des quelques therians enregistrés dans l’internat, montrant à son parternaire les différentes races concernées.
« Je n’ai que deux doses d’analgésique. »
Et s’il s’agit uniquement des cas recensés, lui espérait au moins que d’autres ne verraient pas leur première transformation déclenchée par la situation. Il se tourne vers les éducateurs et il n’est pas bien difficile de comprendre que cette situation n’avait rien de récente et que les choses avaient pris des proportions non voulues.
Puis se mordant l’intérieur de la joue, l’humain cherche le regard de Leo, peut-être un peu plus prudent.
« Est-ce que tu préfères que je m’en occupe seul ? »
Leo Grant
Messages : 3 Date d'inscription : 23/04/2022
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Jeu 26 Mai - 12:38
Il n’y avait pas vraiment eu de parole entre eux sur le chemin vers cette nouvelle intervention. Il n’y avait pas non plus besoin de parler. Savoir où ils allaient et pourquoi étaient une raison suffisante pour que le plus vieux des deux ne s’enfoncent dans le mutisme. C’était aussi une sacrée ironie quand on y pensait, qu’il soit le plus proche et donc celui forcé d’intervenir. S’il devait être entièrement honnête, il n’aurait jamais pensé, et encore moins voulu, remettre les pieds dans un orphelinat.
Pour autant il n’avait aucun droit de grogner à ce sujet et malgré tout ce qui pouvait l’animer, il n’aurait pas pu refuser.
Alors il était là, à enfiler mécaniquement son équipement avant de se perdre dans ses pensées. Car ce genre de trajet, même à toute l’allure qu’était celle des véhicules du THIRDS, paraissaient extrêmement long. Pourtant, avant d’avoir pu dire ouf, ils étaient déjà devant le bâtiment, à observer les alentours, les gens présents, la pagaille ambiante. Une journée qui sortait un peu de l’ordinaire en sommes.
Sans chercher à se démarquer, Leo se contenta de suivre le flot de mouvements et les événements, laissant son partenaire d’infortune poser ses questions et lui montrer les différentes informations que les précédentes équipes avaient déjà pu récupérer. Probablement auprès du reste du personnel et des gosses présents.
- Je suppose que garder tout le monde ici permet aussi de les avoir sous contrôle, au cas où les choses tournent au vinaigre ou pour éviter qu’ils ne ramènent une présence et une attention indésirable.
Enfin. Quand les choses tourneraient au vinaigre était une tournure plus exacte. Et non, ce n’était pas du pessimisme. Pas pour lui, en tout cas.
- Ou alors les utiliser pour faire entendre raison aux gosses. Enfin s’il est déjà transformé il n’entendra pas grand-chose.
Et ne fera pas grand-chose non plus, à moins d’être provoqué. Il n’y avait plus qu’à espérer que, là-haut, les petits humains aient eu assez d’instinct de survie pour se ratatiner dans un coin et prier plutôt que de tenter quoi que ce soit. Ce fil de logique fut interrompu par la dernière question de son partenaire et il lui envoya un regard ennuyé pour toute réponse.
- Aller ramène toi, on y va.
Le reste. Routine. Tandis qu’il faisait rouler ses muscles sous ses vêtements et ses protections, tandis qu’ils avançaient dans le bâtiment, vers la pièce confinée, en haut de ces putains d’escaliers, passant les membres restant en défense, et refermant derrière eux les portes. Une sécurité. Restait à savoir pour qui.
- Prends les miennes, fit-il, tandis que ses propres réserves d’analgésique disparaissaient de son équipement, je vais passer devant de toute façon, murmura-t-il.
Il prendrait le plus gros des dégâts si besoin, étant probablement celui qui aurait le moins de souci à encaisser les coups. Cependant, il se figea un instant alors que ses doigts s’étaient refermés sur la clinche de la porte et son regard bascula un instant vers son coéquipier, un regard de mise en garde avant qu’il ne pousse la porte, laissant sa carrure prendre la majeure partie de la place et s’assurer ainsi que rien ni personne ne se sauverait. Et il ne put qu’avoir un sourire crispé lorsqu’une odeur caractéristique de fer lui parvint associer à une sensation très particulière qu’il identifia rapidement comme de la terreur. Ainsi que pas un mais… Deux grognements sourd.
Jamais n’avait-il tant aimé son équipement de protection.
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