ParcoursCamellia nous comble de bonheur depuis le 06/10/1996. Nous avons hâte de vous la présenter.
Ces mots, familles et amis proches ont pu les lire sur un joli faire-part finement décoré de camélias roses. Et comme annoncé, la présence de la petite Camellia fut une immense joie pour Elijah et Ayaka Valentine. Jeunes mariés en plein idylle, tout semblait leur sourire. Camellia grandira baignée dans l’amour de ses parents, élevée avec toute la bienveillance et l’affection qu’une enfant avait besoin. Son métissage ne l’empêche pas d’avoir des tas d’amis à l’école. Rien ne semblait pouvoir l’atteindre.
Pourtant, sa petite bulle de bonheur éclatera le jour de ses 10 ans.
Elijah comme Ayaka travaillaient dans le droit et avait surtout fait une partie de leurs carrières pour la défense et les droits des Thérians. Ni l’un ni l’autre n’en était mais ils avaient le cœur sur le main et étaient toujours prêts à aider leurs prochains. Pour peu qu’elle comprenne, pour la petite Camellia, ses parents étaient, les personnes les plus gentilles et les plus fortes au monde. Mais pas si forte que cela. Pas assez pour survivre à une émeute. Du moins pour son père. Sa mère s’en était sorti non sans quelques blessures. Dévastée par la mort de son mari, et craignant pour la sécurité de sa fille, Ayaka plia bagage une fois rétabli et retourna dans son pays natal.
Le choc est assez violent pour Camellia. La langue en soit n’est pas un problème. Sa mère s’était tout de même donné un point d’honneur en lui parler en japonais depuis son plus jeune âge. Mais la culture… c’était une autre histoire.
Camellia attire. Camellia fascine. Mais surtout, Camellia est différente. Alors pour l’aider à s’intégrer un peu mieux, on l’appelle Tsubaki.
Tsubaki. Si certains le prononcent avec légèreté et tendresse, d’autres le susurrent avec un certain mépris.
I
gnore-les, lui souffla sa mère.
Mais comment pouvait-il ignorer le dédain de ses grands-parents maternels maintenant qu’elles vivaient chez eux, à Kyoto, dans la famille la plus conservatrice qui soit ? Comment pouvait-elle supporter de vivre sous le même toit et subir leur regard réprobateur chaque jour de sa vie?
Fais ce qu’on te dit. Tiens toi droite. Travaille bien. Ne rechigne pas à la tâche. Tsubaki n’avait pas le choix. Tsubaki devait être parfaite. Alors, Tsubaki s’y plia.
Tsubaki enchaîna les cours particuliers pour avoir les meilleurs notes, être toujours en tête, au sommet. Pratiqua diverses activités extrascolaires. Les prix et les récompenses s’accumulaient. Les regards étaient moins dédaigneux. Mais elle était toujours là. Cette désapprobation. Ce rejet. Et Tsubaki n’était pas dupe. N’était pas bête. Elle n’était pas première de la classe pour rien. Elle savait. Ses grands-parents avaient échoué avec sa mère. Ils avaient l’intention de corriger le tir avec elle.
Oh, s’il savait. Dans sa quête de la perfection, Tsubaki avait nourri un amour inconditionnel pour la musique. La city pop, le classique ou même le rock se mélangeaient dans son lecteur. Dans un coin bien à elle, un petit bout de jardin secret, elle s’imaginait devenir une grande chanteuse, parcourir le monde avec sa guitare. Et dans ce même jardin, il y avait une fleur, bien particulière.
Elle s’appelait Kiku.
Kiku fréquentait le même lycée pour filles qu’elle. Là où Tsubaki avait de longs cheveux noirs, bien droits, Kiku les portait courts. Si Tsubaki semblait calme et posée, Kiku n’avait aucune barrière sur ces émotions. Mais ce qui détonnait surtout chez Kiku était le fameux tatouage à son cou.
Kiku était une
Thérian.
Pourtant Tsubaki n’en fit pas grand cas. Tous les opposaient mais les deux filles s’entendirent à merveille. La présence de Kiku fut aussi douce que les
wagashi qu’elle aimait tant.
«
J’rêve d’être coiffeuse un jour. Pas seulement travailler dans un salon, mais travailler pour des gens célèbres, aller partout dans le monde ! »
Le rêve de Kiku, aussi extravagant qu’elle, lui rappela brutalement qu’elle, n’en avait pas de rêves. Elle savait qu’elle finirait à l’université, après le lycée, devra sans doute passer par un
omiai, un marriage arrangé. Un chemin tout tracé par des gens qui n’avaient daigné la reconnaître qu’une fois qu’elle rentrait dans le moule. Et dieu, que cette simple idée l’horripilait.
«
Je deviendrai une grande chanteuse et tu me coifferas pour mes tournées, dans ce cas. »
Un lien. Un rêve. Qu’importe. Une promesse de se revoir un jour.
Tsubaki, silencieusement, avait entendu la fin de ses années au lycée. Et le jour tant attendu était enfin là. Si elle n’avait pas été maîtresse de ses émotions, elle aurait sans doute été entrain de rire au nez de ses grands-parents tandis qu’elle annonçait son départ pour les Etats-Unis. Pour ses études. Pour leur plus grand malheur, leur petite-fille avait marché dans les pas de leur fille. Elle avait quitté son pays, sa famille,
pour découvrir le monde, aller vers d’autres horizons, avait-elle dit. À la différence que Tsubaki n’avait aucune intention de revenir.
La veille de son départ, elle avait vu Kiku une dernière fois. Et lui avait fait la demande la plus extravagante ( qui paraissait bien ridicule désormais ) qu’elle ait pu demander : l’aider à teindre ses cheveux en rose.
Tsubaki allait laisser derrière elle Tsubaki pour (re)devenir
Camellia.
Camellia, sa licence de Sociologie obtenu dans une université à New York, enchaîna petit boulot sur petit boulot, économisant suffisamment avant de quitter la Grosse pomme pour un autre État. Et de recommencer. Vivant presqu’au jour le jour, Camellia était suffisamment débrouillarde pour vivre décemment. Le monde tournait, les thérians et les humains cohabitaient – ou essayaient - et Camellia continuait à faire son bout de chemin.
Son dernier arrêt ? Chicago.